Fiche de lecture : Second manifeste convivialiste : pour un monde post-néolibéral

Auteur : Clément VERGIER

1- Identification

Référence complète :

  • Titre : Second manifeste convivialiste : pour un monde post-néolibéral
  • Auteur : Internationale convivialiste
  • Édition : Actes Sud
  • Date de publication : 2020
  • Chapitres lus : Introduction, 1 et 2
  • Mots clés : Convivialisme, Vivre ensemble, philosophie politiques, avenir, société

Contexte éditorial :

C'est un manifeste : "Écrit public par lequel un chef d'État, un gouvernement, un parti, etc., rend compte de son mandat ou expose son programme, son point de vue sur un problème politique." Larousse
C'est donc un texte exposant le point de vue d'un ensemble de personnes sur le problème politique suivant : quel typé de philosophie politique pour demain ? Ils présentent donc le convivialisme. C'est une philosophie politique de l'art de vivre ensemble, en particulier de l’art de coopérer en s’opposant sans s’entretuer.
Un premier manifeste a été publié en 2013. Il avait 60 signataires. Cependant, ce premier livre manquait d'ancrages concrets et de portée internationale. Le second manifeste a donc été écrit pour combler ces manquements et aussi élargir le périmètre des militants et acteurs engagés dans la pensée d’un type de société désirable pour demain

Contexte auctorial :

Ce texte est rédigé par l'internationale convivialiste. C'est un rassemblement d'intellectuels, d'activistes, d'écrivains et d'artistes, quelque 300 personnalités de 33 pays différents. Ils ont tous accepté de partager leurs idées afin d'écrire ce livre.

2- Analyse du texte

Les idées principales sont les suivantes :
1- La société actuelle nous mène à notre perte. Il faut contrôler son hubris.
2- Il y a 5 principes à respecter pour une société convivialiste et un impératif les traversant tous.

1- La société actuelle nous mène à notre perte. Il faut contrôler son hubris.

  • Problématique : Quel est l'état actuel de la société ? Quels sont les avantages et les inconvénients et lesquels sont les plus prépondérants ? Quel est la cause de tout ça et comment pouvons-nous y remédier ?
  • Contexte : Ce texte a été publié en 2020. Il s'inscrit donc la politique actuelle avec ses enjeux environnementaux, économiques, sociaux, politiques et moraux (augmentation du chômage, du précariat, augmentation des écarts de richesse, terrorisme, insécurité grandissante, etc..). Ce texte cherche donc à proposer une alternative aux philosophies politiques actuelles.
  • Hypothèses : La société actuelle a fait d'énormes progrès sociaux durant les 40 dernières années (en 25 ans, réduit de moitié les enfants déscolarisés, les mortalité maternelle et infantile...). Cela ouvre la voie à un avenir radieux. Cependant les menaces du présent sont fort présentes. En particulier les menaces écologiques, économiques, politiques, sociales et morales.
  • Résultats : Il y a une explosion des inégalités qui provoque une perte de confiance dans les institutions et la démocratie. La raison de toutes ces menaces est l'hubris. La folie des grandeurs comme disent les grecs. Ce sont tous les comportements issus de l'orgueil que l'on pousse à l'extrême. Dans le texte, ils disent que le moyen de résister à l'hubris est inconnue. En revanche, ils indiquent la direction vers où la chercher : le convivialisme.

2- Il y a 5 principes à respecter pour une société convivialiste et un impératif les traversant tous.

  • Problématique : Comment fonctionne le convivialisme ?
  • Contexte : Le convivialisme s'inspire de tout ce qui est issu des doctrines et sagesses ayant existé. Il s'inspire surtout des parties parlant de ce qui permet aux humains de rivaliser pour mieux coopérer et progresser en tant qu'espèce en ayant conscience de la finitude des ressources naturelles.
  • Hypothèses : Les auteurs font l'hypothèse de 5 principes permettant à une société d'être acceptable selon eux. Ils estiment aussi qu'il y a un impératif traversant ces 5 principes.
  • Résultats : Les 5 principes sont :
    • Principe de commune neutralité : les humains font partie de la nature et en sont interdépendant, ils ne sont pas maître de la nature.
    • Principe de commune humanité : il y a une seule humanité, peu importe les différences physiques ou culturelles.
    • Principe de commune socialité : les êtres humains sont des êtres sociaux, leur plus grande richesse est la richesse des rapports concrets entre eux.
    • Principe de légitime individuation : il faut affirmer son individualité, sa singularité, mais il faut le faire dans le respect de l’interdépendance aux autres et à la nature.
    • Principe d’opposition créatrice : il faut permettre de se différencier en mettant la rivalité au service du bien commun. En affirmant l’individualité, les humains s’opposent. Il n'est donc légitime de le faire qu'à condition de ne pas mettre en danger les 3 premiers principes. De cette façon, une rivalité féconde et non destructive peut avoir lieu.
    • L'impératif est la maîtrise de l'hubris : pour que les rivalités servent le bien commun, les humains doivent échapper à l'hubris et la pléonexie.

3- Mise en perspective

Le type de texte

Ce texte est un manifeste prônant une philosophie politique : le convivialisme. Il est écrit par des personnes en accord avec cette philosophie. Ce texte est donc l'expression d'un point de vue subjectif sur la société. Néanmoins, ce point de vue est fondé sur différents textes et courants philosophiques ou spirituels existant à travers le globe.

L'hubris : l'origine de tous les problèmes ?

Ce texte semble indiquer que l'origine de tous les problèmes de notre société est l'hubris. C'est à dire l'orgueil humain poussé à son extrême. Cela n'explique que certains comportements. Mais cela n'explique pas d'autres problèmes sociétaux comme la discrimination par exemple. Pour reprendre l'enquête "Expérience et perception des discriminations en Île-de-France" rédigée par MIREILLE EBERHARD et PATRICK SIMON en 2016, on peut observer qu’un grand nombre de questions reviennent à une peur. Par exemple, pour la discrimination sur l'âge à l'embauche, cela ne vient pas de l'orgueil du recruteur mais de sa peur qu'une personne jeune ne soit pas assez expérimentée.
En somme, l'hubris n'est pas l'origine de tous les problèmes comme aimerait le penser l'internationale convivialiste. On pourrait dire que la peur en fait aussi partie, la peur des autres ou du changement, mais cela limiterait toujours le problème a 2 facteurs.
Au XIIème siècle, Saint Thomas d'Aquin avait identifié 7 vices moraux à l'origine de beaucoup de problèmes de la société : les 7 péchés capitaux. Dans ces 7 péchés, l'orgueil en est certes le premier et l'originel mais il n'en est pas l'unique. Il reste encore 6 autres vices : l'avarice, l'envie, la colère, la luxure, la gourmandise et la paresse.
Cette question de l'origine des problèmes sociétaux a donc toujours été posée au cours de l'humanité. La réponse n'est donc pas aussi simple que ce que l'internationale convivialiste aimerait le faire paraître.
En dehors de cette simplification du problème sociétal, les 5 principes présentés dans ce manifeste restent 5 principes louables et souhaitables. Ils ne sont certes pas suffisants pour une société du futur saine mais ils restent une solide base pour cette dernière.

Et l'IA dans ce monde idéal ?

Ces principes montrent que l'IA en tant qu'outil de travail ne serait pas un problème. Ces principes définissent les humains comme des êtres sociaux, une IA supprimant du travail ou simplifiant l'accès à l'art ou l'écriture pourrait même faciliter certaines formes de communication et d'expression entre humains. Les IA pourraient donc permettre une facilitation des interactions sociales et donc aider à augmenter la richesse de chaque individu.
Ces principes montrent que l'IA en tant qu'outil de travail ne serait pas un problème. Ces principes définissent les humains comme des êtres sociaux. Une IA supprimant du travail ou simplifiant l'accès à l'art ou l'écriture pourrait même faciliter certaines formes de communication et d'expression entre humains. Les IA pourraient donc permettre une facilitation des interactions sociales et donc aider à augmenter la richesse de chaque individu.
Cependant, pour que cela arrive, ces dernières devront être facilement accessibles et utilisables par l'ensemble de l'humanité, sinon seul une poignée de privilégier pourront les exploiter et s’enrichir, creusant encore plus les inégalités actuelles.
Dans le cadre d’une IA qui aurait une conscience grâce à de forts progrès techniques, les principes présentés dans ce texte seront difficilement applicables à cette dernière. Il faudrait donc revoir ces principes sociétaux dans ce cas-là afin de les inclure et de créer une société conviviale pour tous, êtres artificielles compris.

4- Liste de citations

Il n’y a pas de corrélation avérée entre richesse monétaire ou matérielle, d’une part, et bonheur ou bien-être, de l’autre. [...] En un mot, [la richesse] est inhérente à une forme ou une autre de gratuité ou de créativité et à la relation aux autres.
L'internationale convivialiste, 2020 : Second manifeste convivialiste : pour un monde post-néolibéral

L'international convivialiste cherche à définir une société saine. Pour ce faire, ils définissent différents désirs humains et comment les entretenir sans ruiner la coopération entre humains. C'est de cette réflexion que vient leur conclusion du besoin de maitrise de l'hubris.

La société saine est celle qui sait faire droit au désir de reconnaissance de tous, et à la part de rivalité, d’aspiration au dépassement permanent de soi et d’ouverture au risque qu’il recèle, en empêchant qu’il ne se transforme en démesure, en désir de toute-puissance, en ce que les Grecs appelaient l’hubris [folie des grandeurs], et en favorisant, au contraire, l’ouverture coopérative à autrui.
L'internationale convivialiste, 2020 : Second manifeste convivialiste : pour un monde post-néolibéral

Cette citation permet de définir la richesse donnant le bonheur ou le bien-être non pas comme quelque chose de physique et facilement mesurable mais comme quelque chose issu de notre relation aux autres. Ainsi, l'adage "l'argent ne fait pas le bonheur" est vérifié et complété. L'argent ne fait pas le bonheur, c'est notre relation avec les autres nous le donne.

Les sept capitaux (orgueil, gourmandise, luxure, avarice, jalousie, colère et paresse) ont été identifiés par saint Thomas d’Aquin au XIIe siècle. Ils figurent toujours en bonne place dans le Catéchisme de l’Église catholique dans sa dernière édition de 1997.
MICHEL WACKENHEIM, 2019 : Les sept péchés capitaux

Dans cette citation, on observe que déjà au XIIème siècle, la recherche de l'origine des problèmes sociaux existait. On remarque aussi que les 7 vices moraux identifiés à l'époque sont encore d'actualité et présentés par l'Eglise catholique de nos jours.

5- Glossaire

  • Convivance : ensemble d'actions qui valorisent la relation et la coopération, et permetent de s’opposer sans se massacrer, en prenant soin des humains et de la Nature.
  • Convivialisme : philosophie prônant la convivance. C'est l'art de coopérer en s'opposant sans s'entretuer. C'est tout ce qui concourt à la recherche des principes permettant aux êtres humains à la fois de rivaliser pour mieux coopérer et de progresser en humanité dans la pleine conscience de la finitude des ressources naturelles et dans le souci partagé du soin du monde.
  • Décence commune : appréciation partagée par le plus grand nombre de ce qui peut se faire ou de ce qui, au contraire, ne doit pas se faire.
  • Hubris : folie des grandeurs, certitude que plus rien ne peut ou ne doit s’opposer au sentiment ou désir de toute puissance du sujet. Pousser à son paroxysme, à outrance, les comportements issu de l'orgueil.
  • Menaces entropiques : menace d’ordre matériel, technique, écologique et économique.
  • Menace anthropique : menace d’ordre moral et politique.
  • Pléonexie : désir de posséder toujours plus.

6- Lectures associées